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Ce que la réforme des retraites changerait pour les cadres

, par Fabien Soyez

Cotisations, âge pivot, caisse complémentaire : alors qu’Emmanuel Macron a réitéré le 14 juillet sa volonté de relancer la réforme des retraites, faisons le point sur l’impact que devrait avoir le “système universel” sur les cadres.

 

A la mi-mars, lors de sa seconde allocution sur l’épidémie de Covid-19, Emmanuel Macron avait annoncé la suspension de toutes les réformes en cours, dont celle des retraites. Mais le président ne semblait pas avoir abandonné l’idée. Lors de son interview du 14 juillet 2020, il a finalement confirmé que son projet restait à l’ordre du jour.

 

Une réforme renvoyée à l’après-Covid-19

Alors que les syndicats l’exhortent à ne pas remettre cette réforme sur la table tout de suite, il a confirmé que “la priorité de cet été et de la rentrée prochaine, c’est l’emploi”. Et donc que le dossier des retraites, qui sera abordé par le nouveau Premier ministre Jean Castex avec les partenaires sociaux vendredi 17 juillet, ne devrait être revu qu’une fois l’épidémie définitivement terminée. Sachant qu’un vaccin ne devrait être prêt et disponible en quantité suffisante qu’en 2021, et que le quinquennat s’achèvera en mai 2022.

“Je crois que cette réforme est juste. Il faut peut-être lui donner un peu plus de temps, mieux la concerter. On doit la remettre sur l’ouvrage”, a indiqué Emmanuel Macron lors de son interview.

Concrètement, la réforme des retraites consiste en la création d’un “système universel d’ici 2025, avec le remplacement des multiples barèmes de calcul des retraites et des régimes spéciaux par un régime unique, où chaque euro cotisé serait converti en points tout au long de la carrière.

 

La fin de l’Agirc-Arrco

Ce nouveau système signerait d’abord la fin de l’Agirc-Arrco. Ce qui ne manque pas d’inquiéter les syndicats de cadres, le gouvernement entretenant le flou autour de l’avenir de la réserve de cette caisse complémentaire, évaluée à 71 milliards d’euros.

“Sans réserve, le régime sera déséquilibré et fragilisé : les cadres supérieurs, qui paient aujourd’hui des cotisations jusqu’à 8 plafonds de la Sécurité sociale (soit 320 000 euros bruts par an), devraient à partir de 2025 ne payer que 3 plafonds. En règle générale, ce sont 300 000 personnes qui cotisent 4 milliards d’euros par an, et qui ne le feront plus pour leurs caisses supplémentaires Agirc-Arrco. Résultat, il faudra puiser dans les réserves pour palier les déficits de cotisation, au lieu de constituer une sécurité en cas de crise économique”, déplore Pierre Roger, délégué national à la protection sociale de la CFE CGC.

“L’Agirc-Arrco permettait de garantir aux cadres le maintien de leur niveau de vie. Alors que le nombre de retraités augmentera de 37 % en 2050, le niveau de financement du système devrait rester à ressources constantes, ce qui se traduira par un effondrement du niveau des pensions par rapport aux salaires de fin de carrière… pour le plus grand bonheur des banques et des assurances”, note de son côté Sophie Binet, co-secrétaire général de l’Ugict-Cgt.

 

Une baisse des cotisations

Si la réforme devrait se traduire par une augmentation des cotisations retraite (et donc du pouvoir d’achat), elle risque aussi d’entraîner pour les cadres une baisse de ces mêmes cotisations. En effet, le taux de cotisation devrait être identique pour les salariés (28,12 %), mais s’appliquer jusqu’à 120 000 euros de revenus (soit trois fois le plafond de la Sécurité sociale). Au-delà, une “cotisation de solidarité” de 2,81 % s’appliquera. Elle ne sera pas créatrice de droits et participera au financement de la solidarité.

“Les cadres supérieurs paieront moins de cotisations, ce qui signifiera aussi moins de droits à la retraite, donc des pensions finalement plus faibles”, s’inquiète Sophie Binet.

 

Un âge pivot à 64 ans

L’âge pivot à 64 ans, mesure phare de la réforme, signifie enfin qu’à 64 ans, un travailleur pourra partir en retraite, avec son taux plein. Mais le nouveau système par points étant calculé sur toute la carrière, et non plus sur les 25 meilleures années, les cadres pourraient être impactés.

“Celles et ceux qui ont eu des carrières ascendantes seront particulièrement perdants et pénalisés. Plus vous aurez un salaire de fin de carrière éloigné de celui du début, plus vous serez défavorisé”, indique Sophie Binet. “Le projet risque, petit à petit, d’inciter à la capitalisation et à l’épargne individuelle”, estime de son côté Pierre Roger.

En janvier, le gouvernement n’excluait pas de retirer l’âge pivot du projet de loi.  Il chargeait une “conférence de financement” de trouver les mesures nécessaires à son remplacement, entre mars et mai. Ce projet a été abandonné avec le coronavirus. Mais Emmanuel Macron continue de se dire “ouvert sur le sujet”. Ne fermant pas la porte, notamment, à une augmentation du nombre de trimestres travaillés.

 

Vers un déclassement des cadres ?

Finalement, les deux syndicats s’inquiètent d’un “déclassement” à venir pour les cadres. “C’est un système qui se veut redistributif, mais qui pénalisera une partie de la population, en particulier les personnels d’encadrement et les carrières ascendantes. Nous serons les premiers perdants dans cette affaire, alors que nous n’avons jamais demandé à moins cotiser”, indique Pierre Roger. “Ce qui se profile finalement, c’est une baisse programmée des pensions, avec un départ à la retraite des cadres vers 70 ans, pour une maigre retraite”, résume Marie-José Kotlicki, dirigeante de l’Ugict CGT.

“Pour nous, la remise sur la table de ce dossier est clairement la volonté du président Macron, qui veut avant tout se présenter en 2022 comme un grand réformateur. Il prend le risque de relancer des troubles sociaux, faisant peut-être le pari que la pandémie et la crise économique retiendra la contestation. Pour nous comme les autres organisations syndicales, la priorité est la relance”, conclut Pierre Roger.

 

 

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Fabien Soyez


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Vos réactions (7)

  1. Sylvain, le

    soyons imaginatifs, je propose trois bases de retraite:
    une base Etat, une base cotisations et une base épargne.

    la base Etat, financé par l’impôt, c’est un peu un « minimum vieillesse des salariés », c’est pour tous, c’est la première tranche de retraite, de retraite de base. pour tous y compris les cadres sup. c’est entre 45 % et 55 % du smic. et pour la toucher c’est au plus tôt à 62 ans (ou 60 ans pour les handicapés), et à 62 ans uniquement si cessation d’activité à 62 ans. si la cessation d’activité est après 62 ans, alors cette retraite « d’Etat » ne commence qu’au jour du départ effectif.

    ensuite la retraite « cotisations », pour le taux plein : age mini 62 ans et au moins 40 ans de cotisation. cotisations y compris les cotisations forfaitaires, tardives et étrangères (sous conditions)
    les trimestres de congés parentaux et de chômage indemnisé seront tous considérés comme « assimilé travail » avec cotisation à taux réduit, dit taux forfaitaire.
    avant 60 ans, possibilité de « racheter » jusqu’à trois ans d’études avec prise en compte de cette durée.
    on intègre les cotisations à l’étranger, si il y a un partenariat non fictif (c’est si le pays concerné reverse ce qu’il est censé verser)
    Le montant de la Retraite calculé sur les 25 meilleures années. Les fonctionnaires, sauf cas particuliers, ont au jour du départ, une prime de service public, égale à entre six et douze mois de salaire.
    Carrières longues: si 40 ans de cotisations atteints avant l’age de 62 ans, à ce moment-là la cotisation devient facultative les années suivantes: exemple quelqu’un commence sa carrière à 18 ans. à 58 ans, il a déjà cotisé cotisé 40 ans, mais pour avoir une retraite à taux plein, il devra travailler jusqu’à 62 ans, et pendant cette période 58 ans – 62 ans, il peut soit arrêter de cotiser, soit continuer de cotiser et avoir ainsi dans ce cas-là une retraite bonifiée.
    Plafonnement des cotisations et des pensions de cotisations: pour être très schématique, considérons trois catégories: le smicard, le petit ingénieur et le grand directeur. disons que le smicard cotise par exemple 50 euros par mois, le petit ingénieur cotise 200 euros par mois, et le grand directeur cotise 200 euros par mois. la pension correspondante sera plafonnée à 2000 euros par mois (pension qui s’ajoute à celle dite d’Etat)
    40 ans c’est la durée de cotisation de référence.
    Si les trois conditions suivantes sont réunies : croissance économique (avec baisse du chômage et hausse du niveau de vie), stabilité ou décroissance démographique, et allongement de la durée de la vie, alors on passera à 42 ans.
    Si les trois conditions suivantes sont réunies : croissance démographique, crises économiques fréquentes, et stabilité de l’espérance de vie, alors on reste à 40 ans.

    enfin la retraite épargne. deux épargnes, une première épargne qui est libre, facultative et gérée par les banques privées.
    et une deuxième épargne (un peu sur le principe de l’assurance automobile) qui est encadrée, réglementée, obligatoire, et gérée par les partenaires sociaux. le montant de ces pensions d’épargne pourra varier dans le temps à la hausse ou la baisse, selon l’état de la gestion et selon les choix des partenaires sociaux. Tous les 5 ans, conclave de 2 mois des partenaires sociaux qui fixe pour 5 ans, les ages d’accès et les montants de ces pensions.

  2. picpic, le

    Et si la vrai réforme était de basculer à 100% les retraites par capitalisation avec une transition visant à ne pas prendre en défaut les futurs proches retraités
    On sortirait peut être des sempiternels discours haineux et envers la finances.
    Eduquons les français à faire fructifier leurs capitaux et être critiques face aux montages financiers douteux.
    Ils y gagneront nettement plus avec un PERCO bien géré que de placer 4 milliards sur un Livret A avec lequel ils perdent finalement leur pouvoir d’achat

  3. Philippe-Charles Krug-Basse, le

    Bonjour Monsieur Roux,
    Alors qu’attendez-vous pour vous révolter vous aussi et rejoindre les grévistes de tous les secteurs.
    Vous, les cadres, avez massivement voté pour Macron et son programme et en lui donnant en plus une majorité de baltringues à l’Assemblée Nationale.
    Alors, ne venez pas vous plaindre maintenant et faites surtout en sorte qu’il ne puisse pas faire un second mandat, en commençant par lui donner une belle première leçon en mars prochain, car avec cette réforme, tout le monde et je dis bien tout le monde va y perdre, y compris les fonctionnaires. Que l’on commence sérieusement à aller chercher les milliards d’évasions et d’optimisations fiscales injustifiés ainsi que ceux des fraudes sociales et vous constaterez non seulement qu’il n’y a aucun problème de financement des retraites, mais aussi que l’on peut très sérieusement rembourser notre dette qui grâce à Macron vient de passer au dessus des 100 pour 100 du PIB.
    Philippe-Charles Krug-Basse
    Ancien dirigeant et cadre à la retraite depuis 3 ans qui ne survit que grâce à l’AGIRC-ARCO que Macron veut voir absorbé par son système universel au profit de ses amis banksters qu’il rejoindra dès sa sortie de l’Elysée.

  4. GUEGUEN, le

    une réforme, oui, nous en avons besoin car les déficits se creusent. Par contre peut-on parler d’équité en ne tapant toujours que sur les mêmes et en donnant en permanence à ceux qui ont un fort pouvoir de nuisance ?
    Merci Roux

    Il faut prendre à la fourmi et ne rien dire à la cigale ?

  5. ROUX, le

    La réforme des régimes de retraites ne porte pas sur 42 régimes spéciaux mais 42 caisses dont environ 11 régimes spéciaux.
    En l’espèce il s’agit d’un vol organisé par l’état, en langage politiquement correcte cela s’appelle une nationalisation, pour régler la mauvaise gestion des régimes des fonctionnaires des trente dernières années qui sans cela seront en faillite.
    Lorsque l’on dit fusion de l’Agirc-arrco au sein du régime général c’est bien de cela qu’il s’agit !
    Et personne ne se pose la question du pourquoi du comment : l’agirc-arrco sont déjà fusionnés et en points..chercher l’erreur!
    Voilà une complémentaire qui serait « absorbée par ke nouveau régime ?
    Vous cotisez en plus toute votre carrière et à la fin on vous change les règles sous prétexte de solidarité ! De qui de moque t’on? Personnellement je revendique les droits attachés à ces cotisations complémentaires au même niveau que les « baisses de pantalons «  que s’apprête à faire ce gouvernement à nos privilégiés des régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP !
    Je m’insurge contre cette réforme qui ne bénéficiera qu’aux banques et aux assurance à travers les PER et PERCO. à titre individuel et dont les régimes pourront également être modifiés à loisir par des lois de finances.
    Ce qui ce passe est honteux et n’a rien de solidaire Ni d’équitable.
    Contrairement à tous ces fonctionnaires qui peuvent se mettre en grève et empêcher la libre circulation des biens et des personnes sans crainte pour leur emploi, ce qui n’est pas le cas dans le privé, j’en appelle à en tirer les conséquences dans les urnes pour sanctionner ce gouvernement.
    N’oublions pas que les promesses de l’état sont faites pour ceux qui les reçoivent et pas pour ceux qui les donnent. L’état à perdu toute crédibilité dans ce domaine.

    1. Bruno, le

      Bonjour Mr Roux,
      Bonne analyse. Voilà ce qui arrive quand on confie le pays à un banquier, vassal de la grande finance. Le but est de payer les retraites des fonctionnaires ET enrichir les banques et assurances.
      D’autres sujets très fâcheux existent, à plusieurs dizaines de milliards d’Euros annuel à la charge du contribuable, mais on ne peut en parler sur ce sujet…

      1. rey, le

        Bravo c’est exactement mon analyse.
        D’ailleurs qui a nommé et soutenu Mr Delevoye administrateur des assurances, commissaire a la réforme des retraites ?
        cette spoliation des français profitant aux assurances à déjà été réalisé par le précédent gouvernement concernant les assurances santés.
        Est-ce un hasard?
        Enfin la cotisation de solidarité pour les hauts revenus peut être assimilé à un impôt et en ce sens est à mon avis anticonstitutionnel.

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