Économie
Coronavirus : l’employeur ne pourra pas imposer unilatéralement de congés payés
Face à l’hostilité des syndicats, le gouvernement a amendé la mesure d’urgence économique qui était censée permettre aux employeurs d’imposer unilatéralement les dates de prise de 6 jours de congés payés, pendant le confinement qui fait suite au coronavirus. Un accord de branche ou d’entreprise sera finalement nécessaire.
La semaine dernière, le Sénat et l’Assemblée nationale analysaient le projet de loi “d’urgence” pour lutter contre l’épidémie de coronavirus, élaboré par le gouvernement. Un texte qui prévoyait notamment d’adapter le droit du travail “pour permettre aux entreprises de faire face aux difficultés d’organisation”. Parmi les mesures proposées, la possibilité pour l’employeur d’imposer “unilatéralement” des dates de congés, ou encore, dans certains secteurs, de déroger aux 35 heures.
Un accord d’entreprise ou de branche nécessaire
Le gouvernement prévoyait concrètement de permettre aux entreprises d’imposer 6 jours de congés ouvrables à leurs salariés durant le confinement, sans délai. Mais devant l’hostilité des syndicats, Muriel Pénicaud a finalement amendé cette mesure : un accord d’entreprise ou de branche sera ainsi nécessaire.
“Contraindre à prendre des congés payés en période de confinement, c’est une véritable atteinte aux libertés individuelles, et une catastrophe pour le climat social dans les entreprises”, nous indiquait vendredi dernier Sophie Binet, co-secrétaire générale de l’Ugict-CGT, le syndicat des cadres. De son côté, Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, dénonçait “une mesure brutale, susceptible d’envoyer un signal très négatif vis-à-vis des salariés”.
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Les RTT ne sont pas concernés
Finalement, donc, la mesure sera renvoyée à des négociations dans chaque organisation. Sous réserve d’accord d’entreprise ou de branche, ce dispositif permettra de déroger au délai d’un mois que fixe le Code du travail pour autoriser un employeur à modifier les dates des congés payés de ses salariés. “S’il y a un accord, ce sera non contraint par les délais du Code du travail actuel”, a expliqué Muriel Pénicaud, avant le vote de l’amendement par l’Assemblée nationale.
Toutefois, le texte voté laisse aux entreprises la possibilité d’imposer ou de modifier, unilatéralement, les dates de RTT ou de jours du compte-épargne temps, en dérogeant au délai fixé par le Code du travail.
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[…] Dans le cadre des mesures d’urgence qui modifient temporairement le Code du travail face à l’épidémie de coronavirus, l’employeur peut imposer des jours de congés aux salariés, et il peut aussi modifier les dates, sous réserve qu’un accord d’entreprise, ou, à défaut, un accord de branche l’y autorise. Il doit aussi respecter la limite de 6 jours ouvrables maximum, ainsi qu’un délai de prévenance d’un jour franc minimum. La loi d’urgence ne dure que jusqu’au 31 décembre 2020. […]
Karim Lakjaâ, le
Congés forcés dans la fonction publique territoriale, vers une dégradation du climat social
Alors que la pratique des congés imposés s’étend dans la fonction publique territoriale, le bureau du 8 avril du Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale (CSFPT) a débattu de ce sujet.
Pour le Président du CSFPT, il s’agit d’un véritable sujet pouvant peser le climat social au sein de la FPT.
La Coordination des Employeurs Territoriaux estime que ce sujet doit faire l’objet de négociations locales avec les organisations syndicales.
La CGT est particulièrement inquiète attentive en la matière. Ici aussi, nous observons des dérives. Ainsi au CD 37, au CD 93 ou à Rennes Métropole, certains agents se sont vu imposer de poser 5 jours de congés.
Ces décisions sont prises unilatéralement au mépris des Organisations syndicales, des instances représentatives des personnels et droits acquis des agents.
Et ce n’est que le début.
En effet, le collège des employeurs par le biais du Président du CSFPT et de Loïc Cauret ont indiqué qu’une majorité de petites villes envisageaient d’imposer des congés sur une période de 3 semaines.
Commentant ces situations, la Direction Générale aux Collectivités Locales (DGCL) a rappelé que le cadre juridique actuel qui donne d’ors et déjà des prérogatives à l’autorité territoriale ».
Pour la DGCL, le déconfinement (partiel ou total) va exacerber la question des congés imposés : « la reprise va se traduire par une augmentation de charge » et qu’il convient au regard de cela de « favoriser la prise de congés pendant les congés scolaires ».
Pour la CGT des services publics, aucune négociation nationale ou locale n’est possible en la matière. Toute tentative de ce type irait à l’encontre des droits des agents et leur santé. Les agents ne sont pas responsables de la crise.
Elle a rappelé le cadre jurisprudentiel. En effet, la CAA de Versailles, 13 mars 2014, n°13VE00926, a jugé que « ni ces dispositions (du décret n°85-1250) ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit n’autorisent l’administration à placer d’office un agent en congé annuel, y compris pour des motifs tirés de l’intérêt du service. »
Les organisations syndicales du CSFPT ont indiqué que la base cadre jurisprudentiel des contentieux pourrait naitre, notamment dans le cas de l’imposition unilatérale de congés.
A l’unanimité, les membres du bureau ont également déclaré les agents annualisés ou en décompte (SPP) ne sauraient devoir du temps en revenant au travail, lors de la reprise.
Karim Lakjaâ, président de la formation spécialisée n°3 questions statutaires du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale